puisqu'il le faut bien (28/11 - 20h03)

réservé à Ezequiel

La nouvelle était tombée : les couples devaient être changés. Cupidon était cruel, dis-donc. Déjà qu’elle avait commencée à s’habituer à son bel adonis, alias Oney, il fallait qu’elle change de partenaire. Elle trainassait dans le salon lorsqu’elle remarqua qu’il était assis, seul, sur l’un des divans. Soupirant, se disant qu’elle n’avait pas vraiment le choix, elle s’avança vers lui, se forçant un sourire au visage pour se montrer accueillante.

BONNIE ▬ Tu es bien Ezequiel, non? Je suis Bonnie, ta nouvelle partenaire.

N’attendant pas une réponse de sa part, elle s’assied à ses côtés, pas trop loin et juste assez près pour le toucher, légèrement, on s’entend. Elle ne connaissait rien de lui, elle avait l’impression de devoir recommencer à zéro son arrivée ici… du grand n’importe quoi.

BONNIE ▬ Envie de faire connaissance, partenaire? En tout cas, je dois t'avouer que ce changement de couple ne me remplit pas de bonheur, mais puisqu'il faut le faire, commençons sur des bonnes bases, d'accord?

Il ne semblait pas plus heureux qu’elle de ce changement. Cependant, il se montra relativement courtois, au vue de la situation et surtout, honnête. Et si c’était une chose qu’elle appréciait chez les gens, c’était bien ça. La franchise, aussi.

EZEQUIEL ▬ Oui, c’est moi Ezequiel, mais tu peux m’appeler Eze.

Il me souria, découvrant ses dents où, à mon plus grand damne, se trouvant des bouts de biscuits : pas très séduisant. Elle voulu lui en faire part mais il continua sur la lancée, ne lui laissant pas le temps de placer un seul mot. Bah, tant pis, elle se reprendrait plus tard pour le lui dire avant qu’une autre le fasse.

EZEQUIEL ▬ Je dois t’avouer que pour moi aussi, ce changement ne me plait pas énormément, rien ne contre toi.

Quel plaisir de savoir qu’au moins, elle n’était pas folle. Il s’entendait au moins sur ce point.

EZEQUIEL ▬ Pas de problème, que veux-tu savoir de moi, enchaîna-t-il, en réponse à sa proposition de faire plus ample connaissance.

BONNIE ▬ Hum… premièrement, il faut que je te dise que tu as quelque chose entre les dents.

Elle se mit à rire, lui laissant le temps d’arranger ce petit problème anodin. Puis, elle reprit la parole, s’installant confortablement sur le divan, posant ses deux pieds sur la petite table basse qui se trouvait là, au côté des biscuits et du verre de lait de son compagnon. Elle espérait qu’il n’était pas dédaigneux, car elle était loin de vouloir changer ses habitudes pour un garçon.

BONNIE ▬ Sinon, bah, j’aimerais savoir les trucs de bases ; ton âge, d’où tu viens, ce que tu fais dans la vie. Pour ma part, et bien, j’ai vingt-trois ans et je suis serveuse dans un petit restaurant assez miteux, mais bon, ça paye et c’est tout ce dont j’ai besoin. Je suis anglaise ; j’ai grandis à Spilsby mais j’ai déménagé après le départ de mon père à Nottingham avec ma mère.

Elle ne s’enfonça pas plus profondément dans les présentations ; les détails viendraient surement plus tard. Commençont par la base, trop de détails étaient en ce moment que superflus.

BONNIE ▬ Et toi?

À voir la surprise sur son visage, Bonnie comprit qu’il avait complètement oublié le possible état de ses dents avant de lui sourire : manger des biscuits pouvait être fatale pour votre première impression avec une fille, il fallait faire attention, mon petit monsieur.

EZEQUIEL ▬ Ça ne devait pas être très sexy.
BONNIE ▬ Non je te l’accorde, c’était loin de l’être.

Pendant sa réponse, il en avait profité pour se rincer la bouche avec le verre de lait qu’il y avait sur la table. Bonnie, elle, en avait profité pour s’installer et elle constata rapidement que son partenaire en avait fait de même. Tant mieux, ils seraient mieux installés pour discuter, faire connaissance… le genre de conversation obligatoire à faire en début de relation, même fictive. Il écouta avant attention sa petite histoire, qu’elle avait simplifiée en grande totalité car cela aurait bien trop long à raconter. Il lui parla alors de lui, de ce qu’il faisait dans la vie.

EZEQUIEL ▬ Moi j’ai vingt-quatre ans, j’ai grandi à Galway, c’est sur la côté ouest de l’Irlande. Ma mère est new-yorkaise, ce qui fait que j’ai passé beaucoup de mon temps à New York. J’y ai vécu trois ans en tout. J’ai un BAC en cinématographie, mais ce n’est pas ce que je veux faire le restant de ma vie. Sinon j’ai eu quelques petits boulots ici et là, mais j’ai tout lâché avant de venir ici.

BONNIE ▬ Ouais, moi aussi j’ai dû quitter mon boulot, mais bon, je crois qu’il sera facile d’avoir quelque chose de mieux en sortant d’ici. Cette publicité gratuite ne peut qu’être payante.

Elle se tut pendant un moment, laissant entre eux un silence étrange. Oulà, ce manque de conversation n’était pas de bon augure. Après quelques minutes, elle reprit la parole, posant la première question qui lui passait par l'esprit.

BONNIE ▬ Tu ne m’as pas parlé de ton père, qu’est-ce qui arrive avec ce dernier?

EZEQUIEL ▬ Et bien mon père… il est décédé il y a trois ans de cela.

Hum, ce n’était pas le genre de réponse qu’elle s’attendait à avoir, mais, c’est la vie. Et bon, elle ne l’avait pas posé en connaissance de cause, elle cherchait seulement à s’intéresser à son partenaire et c’était l’unique question qui lui était venu en tête à ce moment précis. Une erreur peut être, mais elle ne le regrettait pas. Les regrets ne faisaient pas partis de sa vie.

EZEQUIEL ▬ Mais bon… c’était il y a trois ans.
BONNIE ▬ Je comprends, je comprends.

Son regard avait dévié sur le sol et elle comprit que le sujet était clos ; avec raison. De toute façon, elle ne cherchait pas à connaître ces détails en profondeur, la surface avait suffit à jeter un léger froid entre eux, alors qu’ils commençaient à peine à se sentir à l’aise. Peut-être que si elle parlait de sa propre expérience, cela réajusterais le tir, qui sait ?

BONNIE ▬ Mon père à moi est encore vivant… je n’en ai pas parlé car, lorsque j’avais dix ans, il a plaqué ma mère pour partir avec mon professeur de piano. Un homme. Ma mère ne s’en est jamais remise ; déjà une rupture s’est difficile. Imagine ce que c’est d’apprendre qu’en plus, son mari l’avait trompé avec un homme et qu’il avait découvert, après plus de quinze ans de mariage, qu’il préférait les garçons. D’ailleurs, je ne l’ai jamais revus… il m’a tellement fait honte que j’ai préféré couper les ponts.

Elle s’arrêta de parler, laissant le temps à son compagnon de réagir. Après tout, elle s’était aussi ouverte à lui sur un sujet difficile, quoi… Puis, après un petit moment, elle décida qu’il était temps de changer de sujet.

BONNIE ▬ Bon, si on parlait d’autres choses?

EZEQUIEL ▬ J’imagine que ça du être dure pour vous deux.
BONNIE ▬ J’étais trop jeune, je crois, pour comprendre ce qui se passait vraiment. Avec du recul, je ne comprends pas la décision de mon père ; mon professeur de piano était vieux, laid et puant… Faut croire que son homosexualité lui a enlevé son bon goût. Ma mère n’était pas la meilleure femme au monde, mais elle était canon, ça compense.

Elle osa les épaules après avoir prononcé ces quelques mots. Bon, c’est sûr que les gens allait jaser, avec de tel propos, la communauté des homosexuels allaient vouloir lui jeter des pierres, mais elle était tellement loin d’être homophobe : c’est son père qu’elle détestait, point à la ligne. Et disons qu’elle avait elle-même passé par la case bisexuelle afin de faire un choix définitif… ou plutôt aucun choix, puisqu’elle n’avait pas vraiment choisi, elle laissait son corps parlé de lui-même. Le désir, peut importe la couleur, le sexe ou l’âge, était ce qui contrôlait son existence, en matière de relation amoureuse ou tout s’y rapprochant.

Il y eut encore un moment de silence, de malaise, avant qu’elle n’ouvre enfin la bouche pour changer de sujet sur cette conversation qui tournait bien mal. Lorsqu’elle proposa de changer de sujet, Ezequiel approuva immédiatement.

EZEQUIEL ▬ Bonne idée !

Il se releva un peu, adoptant une position plus confortable mais aussi plus appropriée. Il s’adressa alors à une, lui faisant savoir le fond de ses pensées.

EZEQUIEL ▬ Écoute, je vais être franc avec toi, je n’ai pas vraiment envie que notre relation reste sur un ton froid comme celui-ci. Je sais pas pour toi, mais j’aimerais bien m’entendre avec toi!

Bonnie le regarda un instant, analysant ce qu’il venait de dire. Elle savait qu’il avait raison mais ce n’était pas pour cela qu’elle lui ferait la vie facile. Elle ne pouvait pas critiquer le boulot de Cupidon, mais elle pouvait néanmoins lui faire savoir son mécontentement au sujet de ses décisions.

BONNIE ▬ Il faudrait faire des efforts, mais c’est sûrement possible. Jusqu’à présent, je n’ai eu aucun mal à bien m’entendre avec les autres – exception faite de cette petite garce qui se prénomme Cameron – alors on ne devrait pas avoir trop de problème. Suffit simplement de trouver un terrain d’entente.

Elle se releva alors, laissant son partenaire sur le sofa, seul. Son estomac venait de crier avec beaucoup de conviction qu’il avait faim ; aussi bien faire connaissance autour d’une bonne petite bouffe de fin de soirée.

BONNIE ▬ Tu viens avec moi? Je vais aller me faire un petit quelque chose à manger. On pourra en profiter pour discuter, quoi. Joignons l’utile à l’agréable.

Elle lui tendit la main, l’invitant à venir avec elle. Elle n’avait aucune attente face à cette relation et elle savait qu’eux deux n’y trouvait pas vraiment d’intérêt, qu’il ne le faisait que pour le jeu, pour les caméras. Mais puisqu’il fallait le faire, faisons le jusqu’au bout.

FIN DE SUJET